Archive ouverte

Huvet, Arnaud | Gilante, Hippolyte | Le Gall, Morgane | Paul-pont, Ika

Plusieurs milliers à millions de tonnes de déchets plastiques arrivent dans l’océan chaque année contaminant les écosystèmes marins, de la surface aux abysses, des régions anthropisées cotières jusqu’aux pôles. Plus de 90% des débris plastiques en mer sont des microplastiques <5 mm, ils représentent une pollution invisible de préoccupation majeure à l’échelle mondiale, sans parler des nanoplastiques pour lesquels nous ne disposons pas encore de données quantitatives en mer malgré leur présence avérée. Ce rapport bibliographique synthétise l’état actuel des connaissances sur les niveaux de contamination en zones côtières et les impacts encourus sur des espèces aquacoles (huîtres, moules). La contamination en microplastiques des zones côtières françaises est de l’ordre de quelques particules par m3 d’eau de mer (par exemple jusqu’à 9 microplastiques flottants par m3 à la surface de la rade de Brest) jusqu'à 450/kg de sédiment sec dans les pertuis charentais. Ces données sont sousestimées du fait d’une limite d’analyse basse qui prend peu en compte les tailles ingérées par les coquillages. Entre 60 et 93% des huîtres et moules apparaissent contaminées sur le littoral français à un niveau de 0,2 à 2,9 microplastiques par gramme de chair, pour lesquelles plus de 80% des particules sont inférieures à 50 μm. Une fois ingérés, ces microplastiques transitent dans le tube digestif avant d’être excrétés (75% peuvent être évacués en 48h de dépuration), exception faite des plus petits nanoplastiques qui peuvent franchir la membrane digestive et migrer dans d'autres organes. Même un simple transit de microplastiques dans le tube digestif i) est source de stress, ii) induit des modifications de la digestion qui réduit l'entrée d'énergie via l'alimentation perturbant la défense, la reproduction, et iii) induit des effets chimiques (exemple perturbation endocrinienne) par relargage d’additifs/plastifiants incorporés à la synthèse des plastiques. Ces molécules chimiques peuvent aussi être libérées dans l’eau de mer environnant les coquillages, par exemple à partir de pneus ou d’élastiques ostréicoles provoquant des malformations et réduisant le succès de développement embryonnaire de l’huître lors d’expositions en laboratoire. Par précaution, ce résultat suggèrerait que des procédés comme un trempage (marinisation) à terre des élastiques ostréicoles neufs pourraient être bénéfiques pour les élevages et l’environnement. Plus largement, des études sont nécessaires sur l’identification et les sources des contaminations en micro-nanoplastiques et polluants associés, afin d’améliorer la compréhension des résultats de toxicité déterminés expérimentalement et pour mettre en oeuvre de procédés de remédiation. En ce sens, la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) des engins de pêche contenant du plastique qui entrera en vigueur en 2025, constitue une partie de la solution. En parallèle, la réduction de la pollution plastique en zones côtières exige des mesures plus contraignantes sur l’usage et la fin de vie des plastiques auprès des collectivités, agriculteurs, industriels, citoyens ; le bon état écologique de nos littoraux étant l’affaire de tous.