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Aéroport : les leçons du passé, le pari sur l 'avenir ; le savoir et la croyance
Article
Depuis plusieurs années, le débat sur l'implantation d'un aéroport à Notre Dame des Landes,au nord de Nantes suscite beaucoup de passion. Ce dossier sur l'aéroport est un bon exemple de l’incertitude et de la grandeur des choix politiques.
La revue Urbaine Place Publique Nantes - saint Nazaire a réalisé ce dossier qui n'est ni un rappel des argumentaires, ni un plaidoyer en faveur ou défaveur de ce projet mais une tentative pour donner de l'épaisseur historique.
" Le premier article repose sur une lecture attentive des quotidiens locaux, Ouest-France et Presse-Océan, depuis 1970. Au travers d’un millier d’articles passés au crible par Jean-Yves Cochais, on voit les arguments évoluer, les stratégies se transformer, les alliances se nouer, les échelles territoriales s’élargir et, tout simplement, le monde changer. Car le projet de Notre-Dame-des-Landes, au-delà de son intérêt intrinsèque, nous en dit long sur les manières de penser et d’agir des acteurs de ce territoire : représentants de l’État, élus, militants, citoyens.
André Péron, lui, remonte encore plus loin en arrière quand il éclaire notre actualité par une réflexion sur un siècle et demi d’aménagement de l’estuaire : fallait-il creuser un canal parallèle à la Loire ? Par où devait passer la ligne de chemin de fer ? Pourquoi a-t-on renoncé à construire une centrale nucléaire sur les rives du fleuve ? Que signifie le discret abandon des projets d’extension du port à Donges-Est ? Bien sûr, il n’y a jamais de leçons simples à tirer de l’histoire. Aucun projet ne se réduit à un autre, aucune époque à une autre. On vérifie tout de même que la durée de maturation de ce dossier n’est pas exceptionnelle, que l’âpreté des controverses n’est pas nouvelle et que, même après coup, il est bien difficile de juger du bien-fondé d’une décision. Certes, le canal de la Martinière n’a pas servi bien longtemps, rendu obsolète par la disparition de la marine à voile, mais il eut des effets économiques non négligeables.
En juriste, Jean-Claude Hélin s’intéresse sur la place désormais attribuée aux citoyens dans les controverses sur les grands projets. Nous en avons fini avec les méthodes napoléonienne et la toute-puissance de l’administration. N’empêche qu’en définitive, c’est l’État qui tranchera. D’où d’inévitables frustrations et le décalage entre le temps du débat juridique et celui de la contestation sociale.
Le géographe Michel Carrard, auteur d’une thèse sur la question, se risque à une approche originale, fondée sur la théorie des jeux. Voilà qui éclaire les stratégies des collectivités territoriales, notamment Nantes et Rennes, mais aussi des compagnies aériennes. Au-delà des coopérations et des concurrences, c’est une nouvelle fois la question de la fonction de cet aéroport et de sa desserte qui est posée dans cette contribution.
Place enfin aux acteurs. Nous avons demandé à des élus, à des institutions, à des associations de répondre à un court questionnaire pour mieux comprendre comment chacun pesait le pour et le contre de manière à parvenir enfin à une opinion. Malheureusement, l’État, en la personne du Premier ministre, qui possède une connaissance ancienne du dossier pour avoir présidé la Région des Pays de la Loire, a finalement décliné notre proposition. On ne répétera pourtant jamais assez ce que la chaleur des débats locaux fait parfois perdre de vue : c’est à l’État et non aux maires, aux présidents du Département ou de la Région qu’appartient la décision de construire ou non cet aéroport.
Cela ne nous a pas empêchés, pour finir, de demander à deux protagonistes locaux de nous faire partager leur vision de l’avenir dans un texte qui ressemblait davantage à une fiction qu’à un argumentaire. Patrick Mareschal, le président du Conseil général et du Syndicat mixte d’études de l’aéroport, ainsi que le député Vert François de Rugy ont bien voulu se prêter à l’exercice. On relira leur contribution avec intérêt dans quelques années.
En attendant, ces scénarios pour le futur sont aussi à lire comme des plaidoyers pour la politique. Ils nous rappellent que l’expertise ne peut tenir lieu de vision du monde, que le savoir n’abolit pas les croyances. Dans ce qu’elle a de plus noble, la politique consiste à identifier les valeurs en conflit, à les hiérarchiser et à trancher, de manière raisonnée, mais sans jamais être certain de détenir la vérité.
Extraits de l'Edito du numéro"
Voir la revue «Place Publique, n° 21, mai - juin 2010, pp. 6 - 52»
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