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Transformer une digue en tertre : est-ce une solution ?
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Date de publication : 18/10/2016
Les levées de la Loire sont fragiles, on a pu démontrer dans les études de dangers que la probabilité de rupture est très grande par rapport à la protection qu'elles semblent donner. La rupture d'une digue détruirait les habitations construites juste en arrière de celle-ci sur une distance estimée à environ 100 fois la hauteur de la digue ; cette zone a été baptisée zone de dissipation d'énergie (ZDE). En application du principe de précaution, les règlements de construction intègrent ce risque en y interdisant toute nouvelle construction. Dans les zones fortement urbanisées, cette interdiction rend difficile la reconstruction de la ville sur elle-même et risque de figer l'urbanisation. Paradoxalement la réduction de la vulnérabilité de la ville passe par cette reconstruction. Il est donc important de trouver une solution à ce dilemme.
Imitant le cas de hameaux ou propriétés implantés depuis des décennies à l’abri des inondations sur des zones hautes du lit majeur du fleuve, « les tertres », l'idée de transformer les digues en tertres d'une largeur bien supérieure et d'en profiter pour y édifier des constructions, des voiries ou des parcs et jardins s'est imposée à la réflexion des acteurs du territoire. Cette réflexion a déjà été conduite aux Pays Bas et au Japon et a débouché sur des projets concrets mais ceux-ci ont concerné essentiellement des exploitations agricoles ou des ensembles importants dans des sites plutôt ruraux ou sur un grand parcellaire. Dans notre cas c'est en milieu urbain dense sur un parcellaire morcelé que la question se pose. La création de tertres artificiels soulève plusieurs difficultés techniques, juridiques et sociales :
. à partir de quelle largeur de tertre peut-on considérer que la rupture de l’ouvrage devient hautement improbable ? ; quel est l’impact de la nature de la fondation sur le dimensionnement de cette largeur ?
. comment traiter les zones de transition physique entre le tertre et les deux tronçons de levée à profil courant qui s’y raccordent ; comment délimiter la zone restituée à l’urbanisation à l’abri du tertre côté val ?
. la réglementation interdisant généralement tout remblaiement en zone inondable afin de ne pas réduire les capacités de stockage de l'eau lors des crues, si on veut pouvoir un jour mettre en œuvre la transformation de levées en tertres, il sera nécessaire de démontrer que l'impact d'un remblaiement derrière une digue est faible au regard de l'intérêt de développer et sécuriser une urbanisation importante ;
. quel statut aura le tertre après sa construction ? s’agira-t-il encore d’un ouvrage de protection ? sera-t-il nécessaire d’y appliquer des servitudes ? comment gérer sur le long terme la multi-fonctionnalité de l’espace hors inondation qui sera créé sur le tertre du fait de sa construction ;
. à quelles conditions les habitants du tertre accepteront-ils de voir leur espace de vie transformé en « île » le temps de la durée des grandes crues ?