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La conchyliculture, et principalement l’élevage de l’huître creuse, Crassostrea gigas, constitue la principale activité aquacole française. Cette activité repose, en grande partie, sur le recrutement naturel de l’espèce qui assure 70% des besoins en jeunes huîtres (naissain) : cette activité de collecte s’appelle le captage. Les deux principaux centres de captage en France sont les bassins d’Arcachon et de Marennes-Oléron. Or, depuis une dizaine d'années, sur le bassin d'Arcachon, le captage devient très variable: à des années de captage nul (par exemple les années 2002, 2005, 2007) ou faible (2009, 2010, 2011) succèdent des années excellentes voire pléthoriques (les années 2003, 2006, 2008, 2012, 2013). A Marennes-Oléron, cette variabilité existe, mais s’avère beaucoup moins marquée. En outre, à la faveur du lent réchauffement des eaux, le captage peut désormais se pratiquer de plus en plus vers le nord. Ainsi, la baie de Bourgneuf, mais aussi la rade de Brest sont devenues, depuis quelques années, des secteurs où un nombre croissant d’ostréiculteurs pratiquent avec succès le captage, mais avec, là aussi, des irrégularités dans le recrutement qu’il convient de comprendre. Enfin, depuis la crise des mortalités de 2008, il se développe aussi sur l’étang de Thau une volonté de pratiquer le captage. Afin de mieux comprendre les facteurs de variations du captage, l’Ifremer a mis en place, à la demande du Comité National de la Conchyliculture, un réseau national de suivi de la reproduction : le Réseau VELYGER. Créé en 2008 sur fonds européens et financé désormais par la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture, ce réseau apporte, chaque année, sur les écosystèmes cités précédemment, une série d’indicateurs biologiques (maturation, fécondité, date de ponte, abondance et survie larvaire, intensité du recrutement, survie du naissain) dont l’analyse croisée avec des indicateurs hydrologiques et climatiques permet progressivement de mieux appréhender les causes de variabilité du recrutement de l’huître creuse en France, modèle biologique et espèce clé de la conchyliculture française. Ce rapport présente donc les résultats 2013 de ce réseau d’observation et fait appel, pour la partie hydro-climatique, à des observations acquises par d’autres réseaux régionaux et nationaux. Il détaille toutes les caractéristiques par secteur du cycle de reproduction de l’huitre creuse : maturation et fécondité des adultes, période de ponte, abondance et survie des larves, intensité du captage et mortalités précoces. Il fournit ensuite une interprétation et une synthèse des résultats 2013 par secteur et à la lueur des résultats des années antérieures. Ainsi, pour l’année 2013, on retiendra les faits majeurs suivants : • L’année 2013 a été très contrastée. Un printemps particulièrement frais et généralement humide (mois de juin inclus) a fait suite à un hiver tardif alors que l’été a été ensoleillé et plutôt chaud. Les concentrations en phytoplancton ont été dans les normes avec toujours l’existence d’un gradient Nord-Sud : elles sont plutôt élevées en rade de Brest, baie de Bourgneuf et bassin de Marennes Oléron et plutôt faible dans le bassin d’Arcachon et l’étang de Thau. En outre, tout au long du printemps et jusqu’au mois de juillet, les températures de l’eau ont été toujours inférieures aux normales (excepté dans l’étang de Thau). • Ces conditions hydro-climatiques ont imprimé un gradient dans la maturation et la fécondité des huitres adultes avec un indice de condition très élevé en rade de Brest, en baie de Bourgneuf, et dans le bassin de Marennes Oléron et plutôt faible dans le bassin d’Arcachon et l’étang de Thau. En outre, le déficit thermique marqué jusqu’en juillet s’est traduit par une ponte très tardive sur l’ensemble des écosystèmes de la côte atlantique : par exemple, elle est survenue au 25 août en baie de Bourgneuf, ce qui constitue une valeur record. Malgré tout, quelques pontes partielles et asynchrones ont été observées sur certains écosystèmes en juillet. • Grâce à des températures très favorables en juillet et favorables en août, la plupart des cohortes larvaires présentes à cette période (rade de Brest, bassin d’Arcachon et étang de Thau) ont eu une survie normale à bonne (e.g. 0.2 à plus de 1 %), ce qui s’est traduit par un captage bon à excellent, avec une forte variabilité dans l’étang de Thau (cf paragraphe ci-dessous). Par contre, pour la baie de Bourgneuf et les pertuis Charentais, l’arrivée trop tardive des larves à la fin août dans une eau fraiche (< 20°C) n’a pas permis une survie favorable (autour de 0.01 %) ce qui s’est traduit par un captage tout juste modéré, faible voir nul selon les secteurs. • En conséquence, l’année 2013, se caractérise par un captage très variable géographiquement : « bon voire excellent » en rade de Brest (de 138 à 245 naissains/coupelle) et dans le bassin d’Arcachon (de 177 à 429 naissains/coupelle), modéré dans le bassin de Marennes-Oléron (de 25 à 52 naissains/coupelle) et faible en baie de Bourgneuf (< 5 naissains/coupelle). Ce rapport montre aussi que l’étang de Thau joue un rôle d’exception. Malgré une ponte d’intensité normale, des abondances de larves élevées et une bonne survie des cohortes, le captage 2013 y est très variable ce qui positionne l’étang de Thau en dehors du modèle de fonctionnement admis pour le cycle de reproduction de l’huître creuse sur la façade atlantique. Il semble que, sur ce site, la métamorphose constitue un verrou biologique qui peut être levé en utilisant des pratiques zootechniques adaptées à ce site particulier. Cette optimisation des pratiques zootechniques fait l’objet d’un projet régional : le projet PRONAMED.